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Le coin de l’histoire, par Charles Dupuy : Les Haïtiens et la guerre civile dominicaine de 1965 

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Juan Bosch,Président de la Republique Dominicaine ( 27 Février 1963 – 25 Septembre 1963)

Il y a de cela quelques années, alors que je me trouvais à Paris, c’était non loin de l’ambassade dominicaine, j’ai rencontré un sympathique monsieur qui se présenta à moi comme un ancien officier de l’armée dominicaine. Il organisait une marche en souvenir des événements survenus en avril 1965 dans son pays. Il m’invita très vivement à venir à la manifestation étant donné, me dit-il, que «de nombreux Haïtiens ont participé à la révolution du 24 avril 1965 et beaucoup d’entre eux sont morts.»

         Rappelons un peu les faits. Après l’assassinat du dictateur Rafael Leonidas Trujillo y Molina en mai 1961, c’est le chef du Parti révolutionnaire dominicain, Juan Bosch, qui fut élu président. Le 25 septembre 1963, mécontent de l’orientation politique et du train de réformes sociales lancé par le président Bosch, le colonel Elias Wessin y Wessin le chassait du palais et s’emparait du pouvoir. Le 24 avril 1965, le colonel Francisco Caamano se rebellait et réclamait le retour du président Bosch au pouvoir. C’était le début de ce que l’on appellera la «Révolution d’Avril».

         Moins d’une semaine plus tard, avec le soutien de l’Organisation des États américains (OEA), le président des États-Unis, Lyndon Baines Johnson, lançait l’opération «Power Pack». Ce sont alors 42,000 Marines qui débarqueront en République dominicaine afin de rétablir la paix et l’ordre. On aura compris, Washington ne voulait pas d’un second Cuba dans son voisinage.

         C’est toute la Dominicanie qui entrera alors en effervescence, mais c’est dans la capitale, Santo-Domingo, que se dérouleront les plus sanglants combats. Les forces gouvernementales dirigées par le général Imbert Barrera (Ce dernier se disait le descendant du général haïtien Imbert) finiront par repousser les milices révolutionnaires qui, mal organisées et pauvrement armées, battent partout en retraite avant de se regrouper sur le pont Duarte.

         Mais bientôt ce sont les avions de chasse du colonel Wessin y Wessin qui, volant à basse altitude, arroseront la foule du tir nourri de leurs mitrailleuses, crachant la mort, fauchant à chaque passage des dizaines d’hommes et de femmes. Au matin du 28 avril, le SS Boxer arrivait en renfort dans la rade de Santo-Domingo avec 1,500 Marines à son bord. Cela annonçait la fin des combats et la défaite sans appel du colonel Francisco Caamano. En apprenant la déroute de ce dernier, Fidel Castro délivra un discours-fleuve dans lequel il raconta avec force détails le déroulement des événements, dira comment les révolutionnaires dominicains sont passés à deux doigts de la victoire, salua leur intrépidité, leur courage et leur résistance héroïque face à l’envahisseur yankee.

         De nombreux Haïtiens qui se trouvaient exilés en République dominicaine sous la présidence de Bosch et qui attendaient le moment propice pour traverser la frontière afin de mener une offensive armée contre la dictature duvaliériste s’étaient engagés tout spontanément dans le combat aux côtés des nationalistes dominicains. Comme de fait, beaucoup d’entre-eux sont morts, ainsi que me le disait l’officier dominicain à la retraite rencontré à Paris. Parmi les Haïtiens qui participèrent à ces combats de rues, nous retiendrons les noms de Lionel Vieux, de Jacques Viau et des frères Fred et Renel Baptiste. Seul le premier, Lionel Vieux, (Ti-Lion) sortira vivant de ces périlleuses aventures. En effet, Lionel Vieux se verra déporté de force à Curaçao par les autorités, vivra un trentaine d’années en exil à Cuba et ne regagnera son pays qu’après la chute de Jean-Claude Duvalier.

         Quant à Jacques Viau, un tout jeune poète et un intellectuel idéaliste, il fut surpris par ces événements en République dominicaine alors qu’il s’y trouvait en exil, s’entraînant au combat et bien déterminé à traverser la frontière afin d’engager la lutte armée contre la dictature duvaliériste. Après l’invasion de Santo-Domingo par les troupes américaines, il se porta tout spontanément volontaire et s’engagea tête baissée dans la lutte populaire contre l’envahisseur. Il devait y laisser la vie. Il n’était alors âgé que de 22 ans (1).

         Le cas des frères Fred et Renel Baptiste ne sera pas moins tragique. Après leur participation à la guerre civile dominicaine aux côtés du colonel Caamano, ils iront s’exiler à Paris. De retour à Santo-Domingo en janvier 1970, ils passèrent la frontière haïtiano-dominicaine afin d’allumer un nouveau foyer de guérilla anti-duvaliériste. Capturés dans la région de Thiotte, ils furent livrés à Duvalier qui les fit emprisonner à Fort-Dimanche. C’est dans cette sinistre prison qu’ils moururent tous les deux après de longs mois d’atroces souffrances.

         (1) Afin d’honorer sa mémoire, mon bon ami Jean-Claude Valbrun, avec l’aide de généreux philanthropes, a fondé une clinique médicale dans le batey de Consuelito situé dans la province de San Pedro de Macoris, en République dominicaine. Cette clinique, qui porte le nom de Jacques Viau, est une œuvre humanitaire qui dessert la population des émigrés haïtiens vivant dans le pays voisin.

coindelhistoire@gmail.com  (514) 862-7185

Charles Dupuy

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