L’economiste Camille Charlmers
La signature d’un accord de libre-échange entre Haïti et la République dominicaine est quasi-imminente. Si pour les dominicains cet accord serait bénéfique aux deux pays, certains économistes haïtiens sont très sceptiques quant à son apport à l’économie haïtienne.
Le nouveau président dominicain, M. Danilo Medina a déclaré qu’Haïti et la République dominicaine allaient prochainement parapher un accord de libre-échange qui serait bénéfique aux deux nations. Selon les officiels dominicains, cet accord devrait augmenter la production nationale et les revenus mais aussi protéger les classes moyennes et combattre la pauvreté sévissant au niveau des deux pays. Cependant, il faut rappeler que les avis sont très controversés quant aux effets réels du libre-échange sur le développement économique.
Comment un tel accord peut-il être bénéfique aux nations qui le paraphent?Selon l’économiste Camille Charlmers , responsable de la Papda( Plateforme Haitienne de Plaidoyer pour un Developpement Alternatif) , un accord de libre-échange peut être bénéfique aux deux pays dans le cas où ils accuseraient une situation économique analogue. L’économie dominicaine dépasse celle d’Haïti. En conséquence, un accord de libre-échange ne serait profitable qu’aux voisins. Ainsi, Haïti, économiquement plus faible, aurait intérêt à protéger les secteurs offrant une potentialité économique pour arriver au progrès.
Dans le cas où les deux gouvernements arriveraient à parapher cet accord, ce serait un accord léonin puisqu’Haïti ne fait qu’importer. Actuellement, nous achetons tout de la République dominicaine : œufs, poulets de chairs, ciment etc, a fait savoir M. Charlmers. Des secteurs qui étaient très florissants dans les années 80 et 90, ne le sont plus aujourd’hui en Haïti. Depuis l’abattage porcin, la République dominicaine fait main-mise sur nous. Haïti est tout à fait dépendante de sa voisine en terme alimentaire. Hormis le secteur agricole, la signature de cet accord pourrait aussi avoir des impacts négatifs sur le secteur de la transformation industrielle et de l’agroalimentaire.
M. Charlmers pense qu’il n’est pas trop tard pour nous de renégocier des accords commerciaux que nos dirigeants ont signés avec certains pays et des instances internationales de manière fantaisiste. « Nous suggérons qu’il y ait un moratoire sur les accords de libre-échange que le pays a signés durant ces 25 dernières années », a-t-il déclaré. Le pays devrait aussi faire un recul pour repenser certains accords qui n’ont pas pu être signés et qui seraient de préférence bénéfiques pour son économie notamment les conventions sur les travailleurs immigrants, sur la protection des écosystèmes marins, contre la désertification qui peuvent être porteuses de bénéfices visibles et immédiats pour le pays, a ajouté M. Chalmers.
Pour cela, «il nous faut une nouvelle politique étrangère qui aura comme tâche principale de repositionner le pays par rapport à ces accords et de renégocier ceux paraphés avec l’Organisation Internationale du Commerce (OMC), l’UE et les USA de façon à redéfinir l’insertion du pays dans le marché mondial ».En effet, depuis la période allant de 1980 à 1990, l’agriculture haïtienne est entrée dans une phase de déclin et d’effondrement. Une situation qui, selon M. Charlmers, a des sources historiques et sociales.
Depuis l’occupation américaine, des décisions ont été prises au niveau de l’empire américain pour qu’Haïti se spécialise dans la fourniture de main-d’œuvre à bon marché alors que des investissements s’étaient orientés vers d’autres pays de la région dont la République dominicaine. De plus, il faut ajouter la faiblesse de la classe dominante haïtienne qui n’a jamais manifesté un sentiment d’attachement au pays. Une classe dominante qui a un comportement de « pirate ». Ce qu’elle a toujours prouvé quand elle draine les profits tirés de ses activités pour aller soit les placer dans des banques étrangères ou les investir dans d’autres pays. Nombreux sont les investisseurs haïtiens qui ont réalisé des investissements de l’ordre de plus d’un milliard de dollars en République dominicaine.
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